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25/11/2016

"Vertus" d'écoguerrier.

- Nécessité de l'écoguerrier (EG)

Permettez-moi cette image. La face sombre de l'humanité, celle des exploiteurs de l'homme et de la nature qui ont pour eux la force et parfois la loi, semble recouvrir peu à peu, toute la planète. Par bonheur, jusqu'à maintenant, il s'est toujours trouvé des défenseurs de la face claire. Alors, longue vie aux EG! Leur responsabilité n'est pas mince dès lors lors qu'ils peuvent s'engager dans de l'illégalité. Des "vertus" pour EG sont volontiers proposées qui évitent que de bonnes causes ne recrutent des excités. Voici celles du groupement "Earth First ".

 

Earth First ! (EF!)  ou "La Terre d'abord!" avec comme slogan: " Pas de compromis pour la défense de la Terre-mère" fut un mouvement des États Unis d'Amérique. Il est parfois présenté comme LE modèle de l'écologie radicale. Sa période "historique", "épique" fut courte : 10 ans, de 1980 à 1990. Deux faits, parmi d'autres éclairent son émergence:

- l'attente écologique d'une parti de l'opinion publique dont a témoigné le succès des romans militants d'Edward Abbey,

-l'échec d'un équivalent de notre "Grenelle de l'environnement". La démarche portait sur le sort d'espaces vierges (prairies et forêts). Les associations officielles s'inclinèrent mais des "caves" se rebiffèrent et créèrent EF!

Concrètement, les EG s'attachèrent à des arbres ou y plantèrent des clous pour éviter qu'ils ne soient sciés, placèrent leurs corps entre bulldozers et nature, sabotèrent des engins de chantiers, etc..EF! rassembla ses expériences dans "Ecodefense. A Field Guide to Monkeywrenching" Etonnant document avec surtout ses chapitres techniques comportant conseils et croquis. Son chapitre 1 liste des principes de bon écosabotage. Avant de les parcourir, digression sur le vocabulaire. Dans "Ecodefense", écosabotage est dit: "Monkeywrentching": pratique de la clé à molettes et écoguerrier : "Monkeywrentcher". Que vient donc faire cet outil dans notre histoire ? C'est que les "luddites" - ouvriers anglais du début du 19e siècle qui se révoltèrent contre l'introduction de machines qui les mettaient sur la paille - lançaient ces clés dans ces machines pour les endommager.

 

Les 11 principes de bon Monkeywrentching" (MW) et donc de bon écoguerrier selon EF.

1 - non violent. Résistance non violente à la destruction de la nature. Jamais contre les humains ni autres vivants mais contre outils et machines qui la détruisent.

2 - non organisé. Les groupes trop structurés favorisent la provocation. Sans doute, ici, une méfiance des "officiels".

3 - individuel. Action de personnes seules ou de groupes de personnes qui se connaissent. Peur, toujours, de la provocation ? Gare pourtant au solitaire ne satisfaisant que ses seules pulsions!

4 - a des objectifs (targeted). Sélection des objectifs, pas de vandalisme.

5 - opportun. Des lieux  et des temps sont favorables d'autres ne le sont pas.

6 - épars. Partout dans le pays.

7 - varié. Tous thèmes (espaces,pollutions, etc.). Toutes origines: A. Juppé et M. Aubry pourraient en être.

8 - amusant (fun). Sentiment d'accomplissement de qui milite pour un intérêt général. Ambiance de camaraderie.

9- non révolutionnaire. EP! ne cherche pas à renverser les systèmes politiques et sociaux en place. Du pragmatisme! Pourtant, il semble bien que le super libéralisme, par sa logique même, implique le saccage de la nature.

10 - simple. Le plus simple est le plus efficace.

11 - délibéré et éthique (deliberate and ethical). Ne pas être dilettante. Garder un cœur et un esprit purs. Etre réfléchi.

   Autre approche, celle d'un étudiant qui dans un mémoire (Asselin, Laval, Québec, 1998) repère les motivations des militants d'EF!

- identification avec la nature,

- sens de la gravité de la situation, de l'irréversibilité de certaines évolutions, de l'urgence à agir mais désillusion face aux processus politiques,

- reconnaissance de droits à la nature; droits plutôt éthiques que juridiques.

- attrait pour l'action.

 

Prenons congé d'EF! avec ces extraits " d'Ecodefense":

- "..nos mains sont liées seulement si nous acceptons qu'elles restent liées."

- " L'espoir qui reste se trouve dans l'esprit de celles et ceux qui s'inquiètent et le cœur de celles et ceux qui osent agir."

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Quelles vertus pour l'EG de nos contrées et de ce temps? Pour celui ou celle qui s'engage dans des "zones à défendre" où convergent des motivations multiples, qui ose des rassemblements toujours à risques, qui affronte la démission écologique de sa société ?

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29/10/2016

Claude Lévi-Strauss, écolo écoeuré !

Une longue vie (1908-2009). Une longue et brillante carrière qui l’a mené des tribus Bororo du Brésil à l’Académie française. Une réputation mondiale de maître en sa spécialité : l’anthropologie. On le qualifie de père du « structuralisme ». Manière de voir les sociétés humaines, d’y repérer des invariants universels ou manière d’organiser des tonnes d’informations allant en tous sens ? Laissons les spécialistes en débattre.

Lévi-Strauss (LS) s’est exprimé sur divers thèmes qui agitent l’homme de ce temps dont, très souvent, l’écologie. Pour celle-ci, la vigueur de ses convictions se manifeste, par exemple, dans ces extraits de ses écrits.

 

- Sensibilité à la nature.

« Un désir d’extase du sentiment d’exister dans le silence et la solitude d’une promenade en forêt. » écrit une biographe. Forêt qui n’est pas qu’arbres : « Un monde d’herbes, de fleurs, de champignons et d’insectes y poursuit librement une vie indépendante, à laquelle il dépend de notre patience et de notre humilité d’être admis. »

- S’identifier aux espèces vivantes ? «  Loin de s’offrir à l’homme comme un refuge nostalgique, l’identification à toutes les formes de vie, en commençant par les plus humbles, propose donc à l’humanité d’aujourd’hui, par la voix de Rousseau, le principe de toute sagesse et de toute action collectives. ».

- Au total : « Le contact avec la nature représente la seule expérience humaine éternelle, la seule dont nous soyons sûrs qu’elle soit une expérience véridique – la seule valeur absolue actuelle à laquelle nous puissions faire appel pour gagner la sécurité qui nous permettra d’appeler à l’existence les valeurs absolues de l’organisation future. »

 

- Immense valeur de la nature et des espèces vivantes.

- « Je dirais que Poussin, Rembrandt, Rousseau, Kant valent autant qu’une espèce animale ou qu’une espèce végétale, mais pas plus ». LS ajoute : « et donc que les droits de l’homme - les droits de tout homme – trouvent leur limite à ce moment précis où leur exercice entraînerait ou risquerait d’entraîner l’extinction d’une espèce animale ou même végétale ;…. ». Espèces vivantes vis-à-vis desquelles «nous agissons avec une irresponsabilité, une désinvolture totales. »

LS a redit cela en de multiples versions dont celle-ci :« Il ne s’agit pas d’ignorer que, comme tout animal, l’homme tire sa subsistance d’êtres vivants. Mais cette nécessité naturelle, légitime tant qu’elle s’exerce aux dépens d’individus, ne saurait aller jusqu’à éteindre l’espèce dont ils relèvent. Le droit à la vie et au libre développement des espèces vivantes encore représentées sur terre peut seul être dit imprescriptible » L.S complète : « pour la raison très simple que la disparition d’une espèce quelconque creuse un vide, irréparable à notre échelle, dans le système de la création »

 

Nature et culture.

Inépuisable sujet de dissertation au bac et dans laquelle l’on doit conclure que l’homme est peu nature mais surtout culture. LS a d’abord tenu pour une séparation/opposition forte entre les deux notions. Il a pris comme ligne de démarcation la présence ou absence de langage articulé. Puis ses réflexions s’approfondissant, sa ligne lui est apparue « sinon moins réelle en tout cas plus ténue et tortueuse qu’on ne l’imaginait.» « Des procédés de communication complexes, mettant parfois en œuvre de véritables symboles, ont été découverts chez les insectes, les poissons, les oiseaux et les mammifères. On sait aussi que certains oiseaux et mammifères, et singulièrement les chimpanzés à l’état sauvage, savent confectionner et utiliser des outils. »

Quels repères privilégier ?

« Peut-on concevoir alors un fondement des libertés dont l’évidence soit assez forte pour qu’elle s’impose indistinctement à tous ? On n’en aperçoit qu’un seul, mais il implique qu’à la définition de l’homme comme être moral, on substitue –puisque c’est son caractère le plus manifeste – celle de l’homme comme être vivant »

Sans cette substitution, il y a péril d’abord pour l’homme. « …l’homme a commencé par tracer la frontière de ses droit entre lui-même et les autres espèces vivantes, et s’est ensuite trouvé amené à reporter cette frontière au sein de l’espèce humaine, séparant certaines catégories reconnues seules véritablement humaines d’autres catégories qui subissent alors une dégradation conçue sur le même modèle qui servait à discriminer entre espèces vivantes humaines et non humaines. Véritable péché originel qui pousse l’humanité à l’autodestruction. »

 

Contre un « humanisme dévergondé ».

Pour LS, les « primitifs » aussi éloignés soient-ils - ou plutôt, ont-ils été - de nos comportements actuels, nous ont enseigné une sagesse dont nous pouvons tirer parti et en particulier des comportements qui sont « autant de témoignages peut-être naïfs, mais combien efficaces, d’un humanisme sagement conçu qui ne commence pas par soi-même, mais fait à l’homme une place raisonnable dans la nature au lieu qu’il s’en institue le maître et la saccage sans même avoir égard aux besoins et aux intérêts les plus évidents de ceux qui viendront après lui ».

 

La phrase racée de LS vibre d’indignation quand elle vise ce qui nous a conduit là où nous en sommes. « On m’a souvent reproché d’être anti-humaniste. Je ne crois pas que ce soit vrai. Ce contre quoi je me suis insurgé et dont je ressens profondément la nocivité, c’est cette espèce d’humanisme dévergondé issu, d’une part, de la tradition judéo-chrétienne, et, d’autre part, plus près de nous, de la Renaissance et du cartésianisme, qui fait de l’homme un maître, un seigneur absolu de la création. »

 

 

Pour bâtir une politique écologique, l’indignation ne suffit pas mais sans elle, il n’est que du flasque.

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28/08/2016

"Ecologie profonde": à votre service

Surgie il y a quelques décennies, l'écologie profonde, (EP), "Deep ecology" en anglo-saxon, est une éthique en phase avec notre temps. Ce fut d'abord dans les milieux français intéressés par la pensée écologique, l'horreur, le sac où l'on fourrait tout ce qui ne mettait pas l'homme au centre de tout et hop à la mer! Révélation inconsciente d'un refus d'admettre la crise écologique. Mais, maintenant, des références sont disponibles en français, elles ne permettre plus de juger selon ses seuls enzymes.

Le père de l'EP est Arne Naess (AN). Né(1912) et mort (2009) à Oslo. Ce fut un intello prof de philo jusqu'en 1969. Il a viré au vert après sa retraite, stimulé, paraît-il, par le livre "Le printemps silencieux" de Rachel Carson et son amour de la montagne. Il n'eut rien d'un penseur solitaire et maudit; sa renommée fut internationale et son pays, la Norvège, l'honora pour sa contribution philosophique et sa conscience morale. Outre AN, quelques noms accompagnent l'EP : Bill Devall, Georges Sessions ou encore William Fox qui a privilégié les aspects psychologiques de l'EP mais, sauf AN, aucun d'entre eux n'a encore été traduit.

Respect de l'autre. AN évite mots ou expressions qui emprisonnent, il veut laisser aux phrases un espace afin que des alternatives puissent toujours naître. Il veut que dans ses exposés l'on repère bien ce qui est hypothèse ou postulat de ce qui s'en déduit, en dérive. Le pluralisme lui est une nécessité, d'abord par respect intrinsèque des opinions mais aussi parce que la nature est si diverse qu'elle peut et doit être saisie de différentes manières, toutes légitimes. Enfin AN, en disciple de Gandhi, est partisan absolu de la non violence tant en actes qu'en paroles.

 

- Concentré d'EP.

Une définition ? La particularité de l'EP est de ne pas être....superficielle(ES)! Alors qu'est l'ES ? Selon AN (1979), cette écologie qui seule agit un tout petit peu dans nos sociétés, ne s'occupe que des effets : pollutions, santé, etc. Elle ne veut rien savoir des causes, s'en tient à "l'économie verte", repousse tout débat sur les valeurs. Avec elle, c'est le mur!

- Une plateforme ou liste de 8 propositions ou plus petit dénominateur commun des tenants de l'éthique environnementale. Plateforme, ressasse AN, à corriger, compléter, modifier si besoin est. Voici, lyophilisée, la version qui semble la plus récente ((1985):

1 - Humains et non humains sont des valeurs en soi

2 - Richesse et diversité des êtres vivants sont des valeurs en soi.

3 - L'homme ne doit réduire ni cette richesse ni cette diversité sauf besoin vitaux.

4 - Les homme pèsent trop et toujours plus sur les non humains.

5 - Diminuer la population humaine : bon pour l'homme, nécessaire pour les non humains.

6 - Il faut changer profondément économies, technologies, idéologies.

7 - Pour la qualité de la vie, préférer "mieux" à "toujours plus".

8 - Vous êtes d'accord ? Alors remuez-vous!

Commentaires:

- (1) et (2): socles, valeurs ultimes de la plateforme. (1) frôle le "respect de la vie" d'A. Schweitzer tandis que (2) évoque le "tissu du vivant" du chef indien Seattle dans sa "Déclaration". (1) et (2) définiraient un "égalitarisme des espèces" selon lequel toute espèce vivante a le droit de vivre et de s'épanouir; c'est à relativiser un peu. AN reconnait en effet à l'homme un statut spécifique et son "sauf besoins vitaux" atténue l'égalitarisme théorique.

- (3) acte l'obligation morale résultant de ce qui précède, obligation accrue par le constat du poids excessif de l'homme dans la nature (4).

- (5) à (8) sont des objectifs. (5) rappelle l'interrogation à laquelle, sauf hypocrisie, nul n'échappe, celle des lourds impacts de la croissance démographique sur l'avenir.

- (6) et (7). Ils sont nombreux celles et ceux qui estiment qu'une évolution/révolution culturelle modifiant idéologies et comportements, est incontournable, le pape François lui même en est. Mais entre dire et faire, il y a toujours la mer.

 

- Ecosophie : la grande affaire d'AN

Préalable: ne pas s'enfermer sur soi et déjà s'ouvrir au sein de sa communauté. AN écrit: "Il y a tant de jeunes gens qui cherchent quelque chose à faire pour servir l'humanité. Je leur ai dit : Eh bien c'est facile, asseyez-vous tout simplement. Asseyez vous tout simplement auprès de quelqu'un qui éprouve une douleur extrême."

A chacun sa sagesse écologique, son écosophie. AN titre la sienne "Ecosophie T", "T": première lettre de son refuge en montagne (Tvergasten). Elle consiste à passer du soi (s minuscule), l'individu volontiers égoïste, au Soi (S majuscule). Soi étendu à la nature. Voilà qui évoque le "sentiment cosmique" du philosophe Pierre Hadot. "Épanouissement" est ici un mot clé. On ne se subordonne pas à la nature, on s'y intègre; on prend part à une évolution plus grandiose, plus globale que la sienne: on accorde ses besoins aux "besoins" de la biosphère. En s'éloignant de la terre, on s'éloigne de soi-même; protéger la nature est se protéger soi-même.

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 Originalité de l'EP: l'insertion des objectifs de respect de la biosphère dans une démarche d'épanouissement de soi. Objectif qui tempère ce sentiment de désespérance face au saccage de la nature par l'homme. Mais, dites-vous, réagir à la situation actuelle est d'une extrême urgence or tout changement de mentalité ne se fait que par mutations minuscules comme l'écrit l'anthropologue Pierre Descola. Soit! Mais seule la pensée donne un sens - direction et signification - à l'action.

05/06/2016

Le "respect de la vie" d'A.Schweitzer.

Qui connaît encore le nom d'Albert Schweitzer (AS), né en 1875 en Alsace allemande et mort en 1965 dans un Gabon tout juste indépendant ? Pourtant, pour lui, les trompettes de la renommée ont sonné fort en seconde moitié du siècle dernier. Sa création d'un hôpital à Lambaréné au Gabon lui a valu le Prix Nobel de la Paix 1952 et, par la suite, médailles et présidences, en veux-tu en voilà il en a rempli des tas de seaux. Un public très restreint sait peut-être encore qu'il fut un pasteur  théologien protestant, fan de Bach et expert en orgues. Schweitzer a réfléchi tôt sur l'éthique du respect de la vie et s'est exprimé la-dessus opiniâtrement et abondamment sans être vraiment entendu. Cette pensée n'a encore été ni "dépassée" ni même égalée en dépit de tous les ouvrages actuellement publiés. Ce serait dommage que de ne pas s'y arrêter un moment.

 

Qu'est la vie pour AS ? Il ne s'est pas fatigué à l'expliquer rationnellement. L'homme de la rue comme le scientifique avec son microscope électronique sont semblablement "tous deux en face de l'énigme de la vie". Le sentiment suffit : qui écrase une petite bête ressent qu'il met fin à une existence sans devoir user des bancs de Fac pour en avoir conscience. L'écologie - interdépendances entre espèces puis terrible constat de l'hémorragie de ces espèces vivantes du fait de l'homme - est absente de l'horizon d'AS. C'est que cette science était encore trop peu vulgarisée pour être intégrée dans l'esprit et le sentiment.

 

Survol de l'éthique de Schweitzer. Nous allons maintenant user sans modération de citations. Découper des confettis dans une oeuvre abondante pour en éclairer l'éthique a ses inconvénients mais quand on veut être bref quoi de mieux ?

Il y eut un jour une "illumination", phénomène après tout pas si extraordinaire que ça, moment où ce qui était évanescent se rassemble brusquement en unité cohérente. 1915. AS naviguait sur le fleuve Ogooué au Gabon, se déplaçant pour une visite sanitaire : "soudain m'apparurent sans que les eusse pressentis ou cherchés les mots respect de la vie". "Mon existence a trouvé sa base et son orientation à partir du moment où j'ai reconnu le principe du respect de la vie qui implique l'affirmation éthique de l'homme".

D'abord partir de l'homme. " L'affirmation de la vie est l'acte spirituel par lequel l'homme cesse de se laisser  vivre et commence à se dévouer avec respect à sa propre vie pour lui donner sa véritable valeur. Affirmer la vie, c'est rendre plus profonde, plus intérieure sa volonté de vivre et c'est  aussi l'exalter. " Puis, dépasser l'homme. " La grande lacune de l'éthique jusqu'à présent est qu'elle croyait n'avoir affaire qu'à la relation de l'homme à l'égard des humains. " Car il n'y a pas de séparation fondamentale entre l'humain et le non humain. "Qu'elles tombent les frontières qui nous rendaient étrangers et isolés au milieu d'autres êtres vivants!" Voici ce qui peut en résulter:" Elle (l'éthique) ne trace pas autour de nous un cercle de tâches judicieusement délimitées mais charge l'homme de la responsabilité de toute vie qui est à sa portée et le contraint à se dévouer à elle.". "Je ne peux m'empêcher  de respecter tout ce qui vit, je ne peux m'empêcher d'avoir de la compassion pour tout ce qui vit. Voilà le commencement et le fondement de toute éthique." Pas de racisme. "Pour l'homme véritablement moral, toute vie est sacrée, même celle qui du point de vue humain semble inférieure." Se reconnaître dans l'insecte: " Partout, tu retrouves le reflet de ta propre existence. Ce scarabée gisant mort au bord du chemin, c'était un être qui vivait, luttait pour subsister - comme toi - qui jouissait des rayons du soleil - comme toi - qui éprouvait la peur et la souffrance - comme toi - et qui maintenant n'est plus qu'une matière en décomposition - comme toi aussi, tôt ou tard tu le deviendras un jour."

 

Le respect de la vie ne va pas de soi

Le refrain d'AS pour éclaircir le défi que chacun - soi, l'homme, toute vie - affronte était: " Je suis vie qui veut vivre parmi la vie qui veut vivre." "Je viens de tuer un moustique qui voletait autour de moi à la lumière de la lampe. En Europe, je ne le tuerai pas même s'il me dérangeait. Mais ici, il propage la forme la plus dangereuse du paludisme. Je m'arroge le droit de le tuer même si je n'aime pas le faire [.] un grand pas sera franchi quand les hommes commenceront à réfléchir et parviendront à la conclusion qu'ils ont le droit de nuire et de tuer seulement quand la nécessité l'exige. ". "Ma propre existence entre en conflit avec d'autres de mille manières. La nécessité de détruire la vie ou de la contrarier m'est imposée." Faut-il pour autant regarder ailleurs ? Absolument pas! "S'il a été touché par l'éthique  du respect de la vie, il ne lèse ni ne détruit de vie que par une nécessité à laquelle il ne peut se soustraire; jamais il n'y consent intérieurement." Un schweitzerologue écrit: "Ce qui importait à Schweitzer, en tout cas, c'était de ne pas revêtir d'une dignité éthique les entorses à l'interdiction de détruire la vie : ce qui se justifie dans la pratique n'en devient pas bon pour autant."

Dans la société, il faut accepter de faire sourire de soi: "C'est le sort de toute vérité avant d'avoir été reconnue comme telle d'être tournée en ridicule." Accepter d'être taxé de sensiblerie car c'est là une qualité. Ne pas se demander si cette éthique du respect de la vie est apte à se caser immédiatement dans un Code juridique : " la pensée n'a pas à se demander si ses expressions auront une résonance plus ou moins vivante, elle doit simplement se soucier qu'elles atteignent leur but et aient une vie en elle."

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Ce respect de la vie ne serait-il pas trop vague, trop inconsistant pour l'action ? Schweitzer n'a pas voulu nous décrire une voie toute faite mais nous tendre une boussole.

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