26/02/2017
"Exercices spirituels" écologistes.
- Qu'est -ce qu'un "exercice spirituel ?
L'action peut être impulsive et néanmoins fructueuse mais, le plus souvent, pour qu'elle le soit, il est bon d'être bien dans sa tête, dans ses idées. "L'exercice spirituel" y contribue. Pierre Hadot, fan des pensées antiques, a beaucoup réfléchi là-dessus. "Spirituel" évoque le religieux, c'est hors-sujet ; pourtant, il garde l'adjectif faute de mieux. C'est qu'il " permet bien de faire entendre que ces exercices sont l’œuvre non seulement de la pensée mais de tout le psychisme de l'individu et surtout il révèle les vraies dimensions de ces exercices : grâce à eux l'individu s'élève à la vie de l'Esprit objectif c'est-à dire se replace dans la perspective du Tout". L'exercice spirituel aide à structurer connaissances, jugements, actions, éthique. En pratique, s'y adonner est s'informer, réfléchir et méditer, discuter, se former, former. Mettant le cap sur notre priorité, parlons "d'exercices spirituels écologistes" (ESE) avec comme finalité une sagesse écologique (écosophie) ou tout au moins la recherche d'une voie y menant : harmonie avec la nature, conscience planétaire.
Trois perspectives nous paraissent devoir imprégner l'ESE.
- Interdépendances. S'éprouver lié, relié à la nature n'exige pas de spiritualités qui fonde ce sentiment. La science explique. Cycles des éléments vitaux, atomes, molécules dont les organiques, cellules, chaînes alimentaires des prédateurs aux recycleurs, écosystèmes, biodiversité, etc. Des réflexes vaniteux font oublier que nous sommes éléments d'ensembles complexes qui conditionnent notre vie. Oubliant un instant leurs tragiques conséquences, les changements climatiques en cours sont, à cet égard, de remarquables pédagogues. Ce sens des interdépendances est superbement exprimé dans ladite "Déclaration du chef indien Seattle" dont voici une très courte citation; "Tout ce qui arrive à la terre arrive aux fils de la terre. Lorsqu'ils crachent sur la terre, ils crachent sur eux-mêmes."
- Fleuve du vivant. Le images à condition de les confronter à la science, aident à saisir "l'âme" des phénomènes, ne nous en privons pas. Jusqu'à peu, la saga du vivant prenait l'arbre comme emblème, celui-ci est désormais suspect d'idéologie, voulant démontrer que tout mène à l'homme, couronnement de l'évolution. C'est le buisson, sans direction privilégiée, qui illustre au mieux, aujourd'hui, l'état des connaissances. Cela dit, elles sont bien comme dans un fleuve toutes ces vies que les flots du temps emportent, flots dans lesquels, comme l'affirme Héraclite l'Obscur nul ne se baigne deux fois. Vous comme moi, enfants des étoiles, pouvons nous enorgueillir de ce que les courants extraordinaires et mystérieux de la vie soient passés par nous et nous sentir ainsi solidaires de tout le vivant.
-Fusion avec la nature. Dans un monde qui coupe tout lien avec la nature, la fusion avec la nature consiste d'abord à rétablir ce lien, à se sentir partie d'un tout sans rien abdiquer de sa personnalité. En cela, conscience des interdépendances, sentiment d'évoluer dans le fleuve du vivant, participent à l'objectif. Pour mieux définir ce qu'est cette fusion, disons ce qu'elle n'est pas. Rien à voir avec les transes Ste Thérèse ou les rites vaudou. Rien à voir non plus avec ce qui semble être la vision du vieil Anaximandre et selon laquelle naître, se séparer du tout, est une faute à expier par ce qui ramène au tout: la mort.
Voici ce qu'elle est. Pierre Hadot rappelle le "sentiment océanique" de Romain Rolland, maître à penser pacifiste du début du 20e siècle : sentiment d'être une vague dans un océan sans limites, partie d'une réalité mystérieuse et infinie. Il livre ensuite sa propre perception: " Il ne s'agit d'ailleurs pas seulement d'une contemplation purement esthétique qui a sans doute une valeur capitale mais d'un exercice destiné à nous faire dépasser encore une fois notre point de vue partial et partiel pour nous faire voir les choses et notre existence personnelle dans une perspective cosmique et universelle, de nous replacer ainsi dans l'évènement immense de l'univers mais aussi pourrait-on dire, dans le mystère insondable de l'existence. C'est cela que j'appelle la conscience cosmique."
"L'écologie profonde" (sur ce blog cf. "Ecologie profonde: à votre service"), en quête d'un épanouissement de soi avec le Soi, la nature, est un exercice spirituel.
ES, ESE exigent constance, persévérance : "Prendre son vol chaque jour! Au moins un moment qui peut être bref pourvu qu'il soit intense." (Cité par P. Hadot).
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