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31/03/2017

Evêques et chasseurs: même credo?

Le respect de l'animal se vend bien, signe d'évolution des esprits. Mais qu'en est-il des institutions qui nous modèlent ? Voici quelques notes sur les affinités entre un loisir dont nul ne nie la cruauté - la chasse - et l'Eglise catholique de France.

-aux origines.

La Bible est sans pitié pour l'animal: " Vous serez un sujet de crainte et d'effroi pour tout animal de la terre..." (Genèse). Quant aux Evangiles, leur indifférence est totale. Toutefois, il est vrai qu'en début des temps chrétiens, des Pères de l'Eglise se sont dressés contre la chasse; ils l'ont fait à coups de Conciles, ainsi Agde en 506, dont les canons, dit-on, s'inspirèrent de St Augustin, St Jérôme ou St Ambroise (Cf. "Dictionnaire de droit canonique" sur Internet). Certes, des autorités du Clergé furent d'abord irritées par le spectacle de dignitaires " trouvant moins de plaisirs aux hymnes des anges qu'aux aboiements des chiens"(Jonas d'Orléans au 9e siècle). Mais concentrez-vous mieux sur leurs arguments de fond. Chasser est un péché quel qu'en soit le mode; St Boniface, en 747, parce que  saint, n'hésita pas à dénoncer à son pape les prélats chasseurs. La chasse "sert à former une attitude de cruauté contraire à cet esprit de paix et de miséricorde qui doit éclater dans toute la conduite des clercs." On ne sait ce que les religieux dans le péché ont fait de ces paroles inspirées mais, de fait, elles ont bel et bien été dites.

Plus proche de nous, au 13e, St François d'Assise, très coté au Vatican. Plutôt que la battue administrative, il préféra négocier avec le loup, plutôt que d'ensanglanter l'aile de l'oiseau, il préféra jouir de ses chants. L'Eglise catholique, apostolique et romaine de France de notre temps est-elle plus proche de François que de Diane ? Rien n'est moins sûr.

 

- aujourd'hui, la chasse à courre.

Si l'on ne croise plus de curés, missel en poche et arme à la main, ratissant prairies et champs, ce n'est peut-être pas changement de goûts mais raréfaction de l'espèce religieuse. Car l'Eglise, là où elle pèse, célèbre annuellement ses noces avec la forme emblématique de la chasse: la chasse à courre. C'est la messe, la grand-messe de la St Hubert. Chaque automne, de Chartres à Chalons ou Amiens ou Paris Notre Dame, abbayes, basiliques, cathédrales, simples églises paroissiales vibrent pour la plus grande gloire des hallalis. L'on est fort enclin à ne classer qu'en péché véniel les actes de ces ecclésiastiques qui aiment la pompe d'où qu'elle vienne, qui ont le souci attendrissant de s'intégrer dans ces sociétés provinciales et aisées que Balzac a si crûment croquées. Mais la contrepartie spirituelle, elle, n'est-elle pas du vrai péché ? Homme de Dieu qui de près ou de loin, nourrit ces euphories, laisse-moi te questionner.

Qui sont ces ouailles que tu rassembles, qui se bousculent sous les nefs sacrées ? Pèlerins ou croyants, venus, mains jointes, fortifier leur foi ? Non, ce sont dominateurs émoustillés, "coureurs", veneurs, piqueurs, notables, hobereaux, rabatteurs, dagueurs et fouetteurs, chœurs de trompes et de cors, chiens et valets de chiens. Et s'y enchevêtrant, évêques, prêtres, curés et diacres. Quel évangile au bout du compte favorises-tu ? Celui selon St Marc ou celui selon Gaston Phébus? C'est que les mots de tes sermons, les envolées de tes orgues semblent bien n'avoir qu'un seul sens: taïaut, taïaut !!
Homme de Dieu, la liturgie que tu adoptes fait communier cervus le serf avec servus le seigneur. Alors, quel lien obscur tisses-tu entre ce chemin de croix illustré aux murs de ton église, qui mène le Christ de la condamnation au tombeau par le fouet, l'épine et la croix et celui de l'animal ? Là, le cerf qui vivait sa vie de cerf, soudain subit la poursuite impitoyable, implacable sous l'élan des chevaux et de chiens avides de sang. Il court, court, fuit, espérant encore, souffle brisé. Au bout d'un temps infini de souffrances, il n'en peut plus; il se fige mort de fatigue et d'effroi, fait face à la meute qui l'encercle et le mord. La fin ! La dague s'enfonce dans sa chair, puis, la "curée", dépouille jetée aux chiens.

Homme de Dieu, pour quelles voies du Seigneur, portes-tu, en quelque sorte, devant la Croix et sur l'autel, l'animal ensanglanté et écorché ? Quand tu lèves haut le calice est-ce pour toi l'équivalent de la dague qui s'abat ? Es-tu fier de ton office quand, la messe dite, te retournant tout drapé dans tes ornements sacerdotaux, tu bénis - le pêcheur, soit! ton Dieu est miséricordieux - mais aussi le sang, la mise à mort, la faute ? Et levant ton regard sur la foule bigarrée qui s'ébroue et s'en va, ne te demandes-tu pas quels rites étranges d'agonie animale tu viens de célébrer ?