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29/10/2016

Claude Lévi-Strauss, écolo écoeuré !

Une longue vie (1908-2009). Une longue et brillante carrière qui l’a mené des tribus Bororo du Brésil à l’Académie française. Une réputation mondiale de maître en sa spécialité : l’anthropologie. On le qualifie de père du « structuralisme ». Manière de voir les sociétés humaines, d’y repérer des invariants universels ou manière d’organiser des tonnes d’informations allant en tous sens ? Laissons les spécialistes en débattre.

Lévi-Strauss (LS) s’est exprimé sur divers thèmes qui agitent l’homme de ce temps dont, très souvent, l’écologie. Pour celle-ci, la vigueur de ses convictions se manifeste, par exemple, dans ces extraits de ses écrits.

 

- Sensibilité à la nature.

« Un désir d’extase du sentiment d’exister dans le silence et la solitude d’une promenade en forêt. » écrit une biographe. Forêt qui n’est pas qu’arbres : « Un monde d’herbes, de fleurs, de champignons et d’insectes y poursuit librement une vie indépendante, à laquelle il dépend de notre patience et de notre humilité d’être admis. »

- S’identifier aux espèces vivantes ? «  Loin de s’offrir à l’homme comme un refuge nostalgique, l’identification à toutes les formes de vie, en commençant par les plus humbles, propose donc à l’humanité d’aujourd’hui, par la voix de Rousseau, le principe de toute sagesse et de toute action collectives. ».

- Au total : « Le contact avec la nature représente la seule expérience humaine éternelle, la seule dont nous soyons sûrs qu’elle soit une expérience véridique – la seule valeur absolue actuelle à laquelle nous puissions faire appel pour gagner la sécurité qui nous permettra d’appeler à l’existence les valeurs absolues de l’organisation future. »

 

- Immense valeur de la nature et des espèces vivantes.

- « Je dirais que Poussin, Rembrandt, Rousseau, Kant valent autant qu’une espèce animale ou qu’une espèce végétale, mais pas plus ». LS ajoute : « et donc que les droits de l’homme - les droits de tout homme – trouvent leur limite à ce moment précis où leur exercice entraînerait ou risquerait d’entraîner l’extinction d’une espèce animale ou même végétale ;…. ». Espèces vivantes vis-à-vis desquelles «nous agissons avec une irresponsabilité, une désinvolture totales. »

LS a redit cela en de multiples versions dont celle-ci :« Il ne s’agit pas d’ignorer que, comme tout animal, l’homme tire sa subsistance d’êtres vivants. Mais cette nécessité naturelle, légitime tant qu’elle s’exerce aux dépens d’individus, ne saurait aller jusqu’à éteindre l’espèce dont ils relèvent. Le droit à la vie et au libre développement des espèces vivantes encore représentées sur terre peut seul être dit imprescriptible » L.S complète : « pour la raison très simple que la disparition d’une espèce quelconque creuse un vide, irréparable à notre échelle, dans le système de la création »

 

Nature et culture.

Inépuisable sujet de dissertation au bac et dans laquelle l’on doit conclure que l’homme est peu nature mais surtout culture. LS a d’abord tenu pour une séparation/opposition forte entre les deux notions. Il a pris comme ligne de démarcation la présence ou absence de langage articulé. Puis ses réflexions s’approfondissant, sa ligne lui est apparue « sinon moins réelle en tout cas plus ténue et tortueuse qu’on ne l’imaginait.» « Des procédés de communication complexes, mettant parfois en œuvre de véritables symboles, ont été découverts chez les insectes, les poissons, les oiseaux et les mammifères. On sait aussi que certains oiseaux et mammifères, et singulièrement les chimpanzés à l’état sauvage, savent confectionner et utiliser des outils. »

Quels repères privilégier ?

« Peut-on concevoir alors un fondement des libertés dont l’évidence soit assez forte pour qu’elle s’impose indistinctement à tous ? On n’en aperçoit qu’un seul, mais il implique qu’à la définition de l’homme comme être moral, on substitue –puisque c’est son caractère le plus manifeste – celle de l’homme comme être vivant »

Sans cette substitution, il y a péril d’abord pour l’homme. « …l’homme a commencé par tracer la frontière de ses droit entre lui-même et les autres espèces vivantes, et s’est ensuite trouvé amené à reporter cette frontière au sein de l’espèce humaine, séparant certaines catégories reconnues seules véritablement humaines d’autres catégories qui subissent alors une dégradation conçue sur le même modèle qui servait à discriminer entre espèces vivantes humaines et non humaines. Véritable péché originel qui pousse l’humanité à l’autodestruction. »

 

Contre un « humanisme dévergondé ».

Pour LS, les « primitifs » aussi éloignés soient-ils - ou plutôt, ont-ils été - de nos comportements actuels, nous ont enseigné une sagesse dont nous pouvons tirer parti et en particulier des comportements qui sont « autant de témoignages peut-être naïfs, mais combien efficaces, d’un humanisme sagement conçu qui ne commence pas par soi-même, mais fait à l’homme une place raisonnable dans la nature au lieu qu’il s’en institue le maître et la saccage sans même avoir égard aux besoins et aux intérêts les plus évidents de ceux qui viendront après lui ».

 

La phrase racée de LS vibre d’indignation quand elle vise ce qui nous a conduit là où nous en sommes. « On m’a souvent reproché d’être anti-humaniste. Je ne crois pas que ce soit vrai. Ce contre quoi je me suis insurgé et dont je ressens profondément la nocivité, c’est cette espèce d’humanisme dévergondé issu, d’une part, de la tradition judéo-chrétienne, et, d’autre part, plus près de nous, de la Renaissance et du cartésianisme, qui fait de l’homme un maître, un seigneur absolu de la création. »

 

 

Pour bâtir une politique écologique, l’indignation ne suffit pas mais sans elle, il n’est que du flasque.

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