25/06/2013
L'affaire Saint-Hubert
J'intercale dans ma série "Pour la Nature" qui, notez-le bien,continue, ce texte d'un genre différent. Différent sur la forme car après tout sur le fond !
J'en appelle au brave et loyal peuple de France auquel j'adjoins les peuples de Monaco et d'Andorre, je ne sais s'ils sont braves ou loyaux mais c'est qu'ils sont soumis aux mêmes tarifs postaux que nous.
Citoyennes et citoyens soucieux de vérité ouvrez grands vos yeux et vos esprits car l'affaire est considérable. Selon des sources généralement bien informées - en particulier le COR ou Centre d'Ontologie Résiduelle basé à Parigny les Vaux - il serait dûment établi ceci. Sans même solliciter puis ensuite informer l'intéressé, les chasseurs français auraient fait de St Hubert leur saint patron. Abomination transcendantale ! Détournement inavouable de sainteté ! Car, en vérité je vous le dis, St Hubert est, très exactement sous notre soleil, le patron des NON chasseurs.
Les faits sont clairs comme l'eau de roche de nos grands-pères. Ouvrons le dossier. Celui-ci fut longtemps conservé dans la niche numéro deux de la crypte de la cathédrale de Noyon. Puis, ainsi que les lecteurs de revues spécialisées le savent, il a été récemment transféré à Liège; dans ce coin de l'Europe, en effet, les objets sanctifiés qui y sont déposés, bénéficient de sérieuses garanties. Je l'ai consulté sur l'écran informatique disposé sous le buffet d'orgues de l'église St Nicolas. En voici un bref compte-rendu.
Hubert, grand seigneur, chassait frénétiquement femmes et gibier. C'était en son temps une même engeance animale. Un jour, Vendredi saint ou Jeudi de l'Ascension, il poursuivit un cerf, tous deux solitaires. Il l'accula, banda son arc et s'apprêtat à lui décocher une flèche dans l'oeil droit. Soudain, une croix d'une brillance extraordinaire, parut entre les bois du cerf. Puis, une voix terrible dont on ne sait combien de décibels, venant de la croix, de partout et de nulle part, dit à Hubert....Permettez une précision que je dois aux lecteurs lettrés. En ces temps moyenâgeux, Dieu ne parlait que latin. J'ai donc eu recours au savoir de doctes gens du Quartier Latin; ils m'ont fourni la traduction qui suit:
Donc l'éternel dit à Hubert:
Ho fichu Hubert! Ca va pas la tête ? (bis)
Qu'as-tu à faire exploser le coeur de toutes mes bètes
des bois et des champs?
Si tu persévères, pour ton salut vas voir Satan. (bis)
Hubert réfléchit ce qui, toujours en son temps, était rare pour un chasseur. Il se repentit et plus jamais ne fauta. Quand son âme quitta enfin son corps, St Pierre l'accueillit en son "check point". Il consulta le CV funéraire d'Hubert. Il lut comme seule mention: "A renoncé à la chasse". C'était amplement suffisant pour que les portes du Paradis s'ouvrissent largement.
Le peuple de France, peut-être même ceux de Monaco et d'Andorre, ne s'en doutent pas: la calamité les menace. Expliquons-nous. Jusque là, St Hubert, sans doute totalement accaparé par les jouissances et voluptés du jardin d'Eden, semble avoir, tout aussi totalement, oublié la Terre. Mais il se pourrait qu'un jour, il ait envie d'une parenthèse. Que cette envie coïncide avec une offre de réduction notable proposée par St Jacques sur un transport Paradis-France et retour. Et voilà notre vénéré saint foulant nos campagnes. Imaginez-le déjeunant à un quelconque "Faisan doré", tendant l"oreille aux subtiles plaisanteries échangées à des tables voisines. Il finirait tôt ou tard par découvrir l'outrage dont il a été et dont il demeure victime. Son auréole en deviendrait d'abord toute flasque, puis, sous l'effet d'une indignation intense et justifiée, elle gonflerait ainsi qu'un nuage radioactif dont elle aurait toute la puissance destructrice.
Mais St Hubert est un saint, il ne saurait donc se faire justice lui-même. Il demanderait réparations auprès des Instances célestes et terrestres compétentes. Nous ignorons tout des subtilités des tribunaux d'En-Haut. Sans doute, infligeront-ils des peines de purgatoire si ce n'est d'enfer aux chasseurs coupables de chasse et ayant ainsi bafoué l'honneur d'Hubert. Les flammes infernales seront sans doute de brûlances variables selon la gravité des fautes (parmi celles-ci: pan! sur les espèces protégées, pan! en pleine nuit, pan-pan! sur les oiseaux migrateurs, etc.) Précisons: l'Enfer ni le Purgatoire n'ont encore été soumis à des contraintes d'économie de l'énergie, on peut y griller sans soucis. Dans ce contexte, rien à dire: les méchants sont seuls à expier. Mais il y a pire.
Car St Hubert actionnerait également, par le biais du pape François, le terrestre Tribunal International des Péchés. Compte-tenu, redisons-le, de la gravité exceptionnelle des faits, les condamnations seront, là encore, très lourdes. Probablement des amendes phénoménales. Les chasseurs alors, selon des errrements occultes en vigueur, obtiendront de l'Etat français qui ne leur a jamais rien refusé, que celui-ci prenne à son compte toute la condamnation. Du coup, - pan! - l'effort sera reporté sur les contribuables; ceux-ci n'auront plus d'autres solutions que de fuir pour s'installer en des pays où la chasse est bannie.
Vous êtes bien d'accord: l'heure est grave. Aussi, citoyennes et citoyens, groupons-nous pour exiger de qui de droit, sur terre comme au ciel, que l'honneur de St Hubert soit restauré.
Quoique!
L'examen de la correspondance intime entre les deux philosophes cynégétiques Michel Onfray et Alain Finkielkraut (liasse B212GK13, Bibliothèque nationale de France) laisse entendre qu'il y a derrière tout cela un noble et merveilleux secret. Les Présidents de Fédérations de chasse quand, nuitamment, à la passée, ils transmettent leurs pouvoirs à leurs successeurs, transmettent aussi cette sublime mission qui les guide en tous temps et tous lieux: faire muter les chasseurs du péché à la vertu, du pelage ensanglanté au fusil accroché à jamais à un clou d'une cave. Pour ce faire, ils invoquent, à juste titre ici, le patronage de St-Hubert. Prions mes frères et mes soeurs qu'il en soit bien ainsi.
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